GV HENNEBONT
TENNIS DE TABLE

06/06/2017 | Pro A-tennis de table

KALINIKOS KREANGA, LA FIN D'UNE BELLE HISTOIRE

Pro A. Hennebont - Caen, ce soir (19 h 30). Le Grec (45 ans) dispute son dernier match avec la Garde du Vœu après treize saisons et quatre titres de champion de France. Une page se tourne.

La belle histoire a commencé par une boutade. Celle lancée par Charles Abraham à son père, Bruno, et à son frère, Boris. Nous sommes en mai 2003 et ce jour-là, les trois hommes forts de la Garde du Vœu d’Hennebont assistent aux championnats du monde à Paris.« On était là en spectateurs pour voir la rencontre entre Kreanga et Samsonov (en huitièmes de finale). Un match incroyable (remporté par le Grec). Bercy était debout ! » , se souvient Bruno Abraham.

Quelques minutes après la fin du match, alors que les trois hommes sont attablés à la terrasse d’un café, Charles déclare, mi-sérieux, mi-hilare :« Et si on faisait venir Kreanga à Hennebont ? » « J’ai rigolé parce que cela me paraissait inimaginable » , se rappelle Bruno Abraham. À l’époque, convaincre la star grecque de rejoindre un club qui s’apprête tout juste à découvrir la Pro A semble, en effet, relever de l’utopie. À 31 ans, Kreanga, demi-finaliste des Mondiaux, est au sommet de son art. Il est l’un des rares Européens à pouvoir rivaliser avec les Chinois. Il est surtout considéré comme le joueur le plus spectaculaire au monde.

Un an plus tard, Bruno et Boris Abraham réussissent pourtant l’impossible : attirer Kreanga sur les bords du Blavet. En mémoire de Charles, décédé accidentellement quelques mois plus tôt, à l’été 2013.« Ne prenez pas Kreanga, c’est un mercenaire » « Les discussions ont duré cinq minutes , explique le président hennebontais.Kalin’ a immédiatement adhéré à notre projet. À l’époque, j’avais pourtant pris un risque énorme. Le jour où je l’ai fait signer, je n’avais pas l’argent nécessaire pour boucler notre budget. Mais Kalin’ nous a, tout de suite, facilité les choses. Grâce à sa notoriété, il a ouvert des portes qui, jusquelà, restaient fermées. Il nous a permis de jouer à plusieurs reprises à Kervaric, devant près de 3 000 personnes. » 

Rapidement, le génial petit Grec, à la démarche chaloupée et au regard d’acier, propulse, en effet, Hennebont au sommet de la hiérarchie nationale. La Garde du Vœu est sacrée championne de France à quatre reprises en l’espace de cinq ans (2005, 2006, 2007, 2009), et atteint les demi-finales de la Ligue des champions (2009).

Malgré ses 37 ans, Kreanga pointe toujours dans le top quinze mondial, et continue de susciter les convoitises des plus grands clubs européens. Les Russes d’UMMC, les Français de Levallois et les Allemands de Düsseldorf tentent de le recruter.« À l’issue de notre victoire sur Düsseldorf (alors champion d’Europe en titre),le président allemand avait été jusqu’à le solliciter devant moi. Mais Kalin’ avait coupé court à la discussion en répondant sèchement : « Je suis à Hennebont, point », se marre Bruno Abraham.Une autre année, il avait attendu six mois avant d’encaisser ses chèques car le club était dans une passe difficile financièrement. Je me souviens également qu’il avait refusé un gros cachet pour une compétition au Qatar car on avait un match important à disputer en Pro A. Kalin’, c’est un gentleman. » 

« Il a été un guide »

 « Lorsqu’il est arrivé, beaucoup de gens nous avaient pourtant dit : « Ne prenez surtout pas Kreanga, c’est un mercenaire » , sourit Boris Abraham. Treize ans plus tard, le Grec est toujours là.« Sans doute parce qu’entre nous, il n’y a jamais eu de non-dits » , enchaîne Bruno Abraham.

Sans doute aussi parce qu’au-delà du tennis de table, l’intéressé a trouvé à Hennebont une seconde famille.« Au départ, notre relation n’était pourtant pas évidente dans la mesure où je suis plus jeune, et que c’est un joueur que j’admirais , poursuit Boris Abraham.J’ai dû gagner sa confiance mais, au fil du temps, des liens se sont noués. » Tellement fort que l’entraîneur hennebontais était là le jour où Kalinikos Kreanga s’est marié, ou lors du baptême de ses deux filles.« Aujourd’hui, nous sommes amis. On a réussi à tisser quelque chose d’unique. » 

À la fois dans la relation entraîneur entraîné (« lorsqu’il joue, je sais exactement ce qu’il va faire et à quel moment il va changer quelque chose » ) qu’en dehors.« Àchaque décision que j’ai dû prendre, je l’ai toujours consulté , dit Boris Abraham.Son influence a été énorme. Àla table, dans le vestiaire, mais également auprès de tous les salariés et des bénévoles. Son professionnalisme a créé une dynamique incroyable. Si le club a autant progressé à tous les niveaux, c’est grâce à lui. Il a été un guide durant ces treize dernières années. » 

Ce soir, le Grec d’origine roumaine achèvera donc sa carrière de pongiste de haut niveau dans une salle qu’il a si souvent enflammé, et sous le regard de son épouse, Zachourala, et ses deux filles, Mariana et Elpida. Mais la belle histoire entre Kalinikos Kreanga et Hennebont ne s’achèvera pas pour autant. Dès la saison prochaine, il troquera son célèbre bandana pour une cravate afin de représenter le club auprès des instances internationales. Dans les années à venir, il devrait également avoir un rôle important à jouer une fois que le centre d’entraînement international, en cours de construction, sera achevé.

En attendant, ses amis ont prévu de lui faire une belle fête. Boris Abraham, la gorge nouée :« Ce qui me chagrine, c’est que quoi qu’on fasse, on ne parviendra jamais à lui rendre ce qu’il a pu nous apporter. »

Source: Ouest-France du 6 juin 2017 par Stéphane Bacro

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